Bench cookies et quarts-de-rond

Bench cookies et quarts-de-rond

La petite traverse, prête à être quartderonnée.

Un exemple du côté pratique et rapide de mise en oeuvre des benchs cookies dont je parlais ici.

J’avais à carderonner en hère trois des petites traverses de 146 mm de long, 50 mm de large et 18 mm d’épaisseur.

Des petites pièces, quoi. Mais rien ne m’effraie.

(carderonner en hère trois : ce ne sont pas des néologismes, c’est du jargon de menuisier d’initié. Il signifie : faire des quart-de-ronds de 3 mm de rayon . Pfiiiiou ! Si vous saviez comment on parle dans les ateliers…)

Comme je n’ai pas encore fait les plans de, ni construit, la table de défonceuse sous table ultime j’ai carderonné à la volée, à la défonceuse (bon courage à Google Translate pour traduire carderonner à mes lecteurs du vaste monde…).

Travailler à la volée à la défonceuse, ça veut dire que l’outil est mobile. Il faut donc que la pièce usinée soit fixe. C’est une règle de sécurité ET de bon sens qui ne souffre aucune exception : quand l’outil est mobile, quel qu’il soit, la pièce doit être fixe. Il fallait donc immobiliser les pièces. Et pas avec les mains s’il vous plaît !

Au lieu d’utiliser les traditionnels éléments de serrage MFT/SP de Festool si bien adaptées à mon établi MFT/3 et à ces pièces de 18 mm d’épaisseur, j’ai utilisé les benchs cookies. Il faut parfois repousser les limites de l’impossible.

Pour ce type d’usinage, l’avantage des bench cookies sur les serre-joints, c’est la réduction des manipulations et l’absence d’obstacle sur le trajet de l’outil. Vous me direz « Pour quatre pièces… Quand même… On peut se permettre les serre-joints, non ? ». Vous avez raison. Mais voilà ! Je suis une grosse feignasse… Alors je prends tout ce qui peut m’épargner des efforts…

Voici une photo de la pièce, alanguie sur ses bench cookies, avant l’usinage :

La pitite traverse, prête à recevoir la caresse de la fraise Carderon.
(crédit photo : moi)

Voici une photo après l’usinage :

La pitite traverse, toute émoustillée des caresses de la fraise Carderon.
(crédit photo : moi)

Vous avez vu ? À part l’angle de prise de vue, rien n’a bougé (ya pas de photos pendant, j’avais les deux mains sur la défonceuse).

Les bench cookies ont fait leur boulot, moi aussi, rien n’a volé à travers l’atelier, tout le monde est entier, c’est merveilleux.

On n’a pas idée du bien que ça fait de bosser avec du matos qui fait son boulot et qui le fait bien…

Ce billet n’est pourtant pas terminé. Car ces deux innocentes photos sont pleines d’enseignements.

1. Il y avait un trait bleu sur l’arête à usiner.

Ce n’est pas du gribouillage, ce trait sert à indiquer les arêtes à usiner. Sur cette pièce il n’y a qu’une arête à usiner, sur les pièces que l’on voit derrière il y en a plusieurs. Repérer ainsi les pièces s’appelle les établir.

Établir une pièce, tracer des signes d’établissements est indispensable. Les signes d’établissement sont des tracés conventionnels qui signalent la face de la pièce qui sera utilisée en parement, ils indiquent aussi la position et l’orientation de la pièce par rapport aux autres pièces du meuble, le type d’usinage à faire dessus et l’endroit où les faire.

Parement = face visible, mais aussi face de référence en ce qui concerne les usinages : par exemple, à la toupie on parle de travailler parement sur table ou contre-parement sur table.

Si on ne sait pas où se trouve le parement, on est bien embêtés.

Conventionnels signifie que ces signes d’établissements sont communs à tous les menuisiers et donc compréhensibles par tous les menuisiers. Heureusement, sinon je ne vous dis pas comment on se causerait dans les ateliers…

J’ai entamé par ailleurs une série de billets B.A.-BA – Le caisson, si elle avait été plus avancée on y aurait trouvé quelques-uns des signes d’établissements les plus largement employés. Mais cette série n’avance pas aussi vite que je le voudrais vous le voudriez… Fort heureusement, il y a plein de sites bois sur internet, et vous trouverez des signes d’établissement conventionnels sur nombre d’entre eux. Ouf ! 🙂

Les signes d’établissements semblent cependant varier d’un pays à l’autre. En ce qui concerne mes pièces j’avoue que je ne me suis pas trop appliqué, je les ai faits sommaires, à l’anglo-saxonne, quoi. En plus, au moment du tracé, je ne savais même pas que j’allais faire un billet ensuite…

2. Il y a un gros crayon de couleur à côté des pièces. On colorie comme à la maternelle ?

Mais non !

Ce gros crayon de couleur est une mine grasse (oui, on peut être gros et grasse en même temps, c’est un mystère scientifique).

Elle marque facilement sur le bois, et elle s’efface tout aussi facilement : soit le tracé disparait « sous » l’usinage, soit il disparaît au ponçage. Voilà ! N’hésitez pas à tracer, vous n’aurez aucun mal à effacer par la suite.

Ces crayons gras existent en plusieurs couleurs :

¡ Viva España !
crédit photo : moi

J’ignore s’il y a des conventions pour l’usage de ces couleurs en ce qui concerne l’établissement des pièces (en dessin technique par exemple, rouge, jaune, bleu servent à représenter les coupes selon leur position par rapport à la face du meuble, mais là c’est un autre domaine). En ce qui me concerne, j’ai trois couleurs rien que pour faire bisquer ma fille.

3. Eh t’as vu ! T’as laissé tous les marquages !

C’est vrai. C’est même fait exprès. Tous ces repères et signes d’établissements seront effacés lors du ponçage, après la réalisation de tous les usinages.

Oui. Les mots-clé sont « ponçage après la réalisation de tous les usinages ».

Pourquoi ?

Le ponçage laisse des fragments de matière abrasive sur les pièces (pour faire court, on dit de la silice, même si ce n’en est pas). À force cette silice émousse l’outil coupant.

On pourrait dire «Ouais mais quand même ! Le ponçage ne laisse pas des tonnes de silice sur une pièce ! ». C’est vrai, pas des tonnes, mais suffisamment pour contribuer quand même à l’accélération du désaffutage. J’aime prendre soin de mes outils 🙂

On usine donc d’abord, on ponce ensuite.

4. Mais… On ponce avant ou après l’assemblage et le collage ?

En principe, toutes les finitions intérieures sont faites avant collage et assemblage.

Pour une raison simple : une fois les pièces assemblées et collées, il s’avérera malcommode d’atteindre toutes les zones des parties intérieures.

5. Pourquoi avoir fait le carderonnage après le débit des traverses ?

C’est vrai, puisque j’avais besoin de plusieurs traverses de 50 mm de large et 18 mm d’épaisseur, j’aurais pu :

  • déligner une looooongue pièce de 50 mm de large et 18 mm d’épaisseur,
  • looooongue, c’est à dire au moins : (146 x 4) mm + les différents traits de scie + une marge,
  • carderonner les arêtes de cette pièce,
  • la tronçonner à la bonne longueur pour obtenir les traverses nécessaires.

Mais : sur ces quatre traverses il n’y en a que deux dont toutes les arêtes sont carderonnées, les deux autres n’en ont que deux de carderonnées. Tenir compte de cette particularité dans l’usinage d’une loooongue pièce à tronçonner par la suite : j’aurais gâché plus de matière et passé plus de temps à tracer, faire un usinage arrêté, caler pour tronçonner, etc, qu’à carderonner simplement mes quatre traverses.

Pssssst ! On lui dit qu’il n’y a pas besoin de faire des usinages arrêtés pour ces quatre traverses ?

Et puis, si je n’avais pas usiné des petites longueurs/largeurs sur des bench cookies, comment aurais-je su s’ils faisaient l’affaire pour cette tâche ? 😉

6. Quand tu as carderonné, t’étais pas un peu en porte-à-faux avec une si petite surface d’appui pour la défonçeuse et les bench cookies qui « tanguent » quand même légèrement ?

Si. Mais ma défonceuse est légère, maniable, je ne me suis pas précipité, donc ça allait.

Pssssss ! Vous avez bien lu ? Au début je parle de réduire les manips pour gagner du temps et maintenant je dis je ne me suis pas précipité… Ah la la !

7. Quarts-de-rond de 3 mm de rayon, ok. Mais plus gros ?

Là, franchement, je ne m’y risquerais pas sur de si petites pièces…

Conclusion

Au départ je voulais juste montrer deux photos et faire un court billet sur les bench cookies en action, dire (une fois de plus) : « Voilà ! Vous pouvez y aller tranquille, ça marche ! ». Et puis j’ai fait un long billet, qui m’a pris plus de temps à écrire que je n’en ai passé à carderonner mes pièces…

Et voilà-t-il pas qu’un horrible doute m’étreint :

Doit-on dire carderonner ou quartderonder ?

(Perso, j’aime bien carderonner, conjugué ça sonne comme Les camions de Navarrone et Toblerone…)


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Anonyme
Anonyme
4 juin 2013 17h43

Le dico BTP sait.
http://www.editions-eyrolles.com/Dico-BTP/definition.html?id=7208 

Quarderonder, ça sonne moins

Alex
Alex
2 août 2013 1h06

Des « mots d’intiés », j’en ai entendu pas mal dans les ateliers, à cotoyer des menuisiers et des ébénos depuis 3 décennies. Mais je n’avais jamais entendu l’expression « en hère x » pour donner le diamètre d’un quart de rond. En tout cas pas dans notre atelier ou ceux des copains alentour. Question de région peut-être ? (Ici c’est Toulouse).
Quarderonner en revanche, oui. Ou taper un quart de rond.

Ces bench cookies, ça m’a l’air d’être génial. A la rentrée, je vais taner mon boss pour qu’il nous achète ça. J’ai souvent révé d’une pièce qui tiendrait à l’établi par miracle. Défoncer des pièces tenues avec des serre-joints, c’est sûr que c’est ch… (oops) pas marrant, même avec des clic-clac.

Ce blog est très chouette. Même en vacances, on prend plaisir à le parcourir. Merci

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