Les scies japonaises, et Allan Little

Les scies japonaises, et Allan Little

Scies japonaises Ulmia

Plus de deux ans d’existence pour ce site (en comptant la période canalblog), quelques petits billets si rares qu’ils sont d’autant plus précieux 😉 et… Ils sont où les outils à main ?

Hein ?! C’est quoi ce menuisier blogueur qui n’utilise que de l’électro-portatif ?!

On ne pourrait donc faire de la menuiserie qu’avec des scies circulaires, des défonceuses, des lamelleuses et des ponceuses électriques ?

Eh bien… Oui !

Si du moins on se limite à la menuiserie dite d’agencement, qui, comme chacun sait, est à la menuiserie traditionnelle ce que le fast-food est à la gastronomie.

Mais bon, à côté de l’outillage électrique qui donne l’impression de faire bien plus vite et bien mieux ce que nous pourrions faire aussi bien et sans bruit à la main, il y a l’outillage manuel, celui qu’on n’utilise qu’avec ses deux mains, avec une presse aussi et sans aucune centrale nucléaire derrière 🙂

Et parmi ces outils, il y a les scies japonaises… Des scies que j’adore car :

  • elles sont rudement efficaces

  • elles sont belles,

  • je suis snob, j’aime les top-models,

  • elles apportent un parfum d’exotisme, d’aventure et de sensualité dans l’atelier

  • j’aime les beaux outils

  • j’aime les outils qui font bien le boulot auquel ils sont destinés

(Des intrus se seraient-ils glissés dans cette énumération ?).

Elles sont belles…

Oui, elles sont belles. Belles comme tout outil « traditionnel » sait l’être 🙂 .

Elles sont rudement efficaces

Leur tranchant est redoutable… Comparé à celui des scies occidentales correctement affûtées, le tranchant est aussi redoutable mais

Mais une particularité d’utilisation les rend, à mon avis, plus efficaces que les scies occidentales : la scie japonaise s’utilise en tirant sur la scie, et non en la poussant.

Quelle différence cela fait-il ? Eh bien… C’est nettement moins fatiguant…

Et comme on se fatigue moins, on travaille mieux et, accessoirement, plus longtemps ! 🙂

(Doux Jésus ! Ne le dites pas à votre patron !)

Mais surtout, je trouve que cela les rend nettement plus faciles à manier…

Eh oui ! Regardez-vous en train de scier avec une scie occidentale : vous êtes en appui sur la pièce, limite crispé pour éviter que tout se barre en sucette, vous poussez la scie et, comme on ne vous a peut-être jamais dit le contraire, vous vous sentez obligé d’appuyer aussi sur la scie pour entamer la pièce et approfondir le trait de scie…

Et pour peu que votre lame soit un tantinet désaffutée, vous forcerez, vous dévierez, vous plierez éventuellement la lame… Bref ! Une cata !

Avec une scie japonaise, vous posez la lame sur la pièce à découper, vous tirez (vers vous, vers le bas, tout dépend comment vous avez positionné la scie au départ).

Vous tirez sans appuyer, le tranchant est tel que vous entamez la pièce sans forcer, puis vous continuez votre découpe avec le guidage de la lame comme seule préoccupation.

Acquérir le geste demande un minimum d’entraînement. Oui, vous avez bien lu : le mot-clé c’est minimum 🙂

J’aime les outils qui font bien le boulot auquel ils sont destinés

Lorsque vous avez fini de débiter votre pièce avec une scie japonaise, vous vous apercevrez que l’état de surface est lisse, extrêmement lisse et doux au toucher…

En plus, la lame s’utilisant en tirant, il n’y a aucun risque de la plier. Et comme il n’y a aucun risque de la plier, on peut faire des lames nettement plus fines que les lames de scie occidentales… Donc bien plus légères… Avec un trait de scie nettement plus fin, donc moins d’efforts puisqu’il y a moins de matière à enlever à chaque coup de scie…

Des scies japonaises, il y en a pléthore…

Azebiki, kataba, dozuki, ryoba, mawashibiki, kugihiki… Tous ces noms désignent des types de scies japonaises.

Oui, tout comme il y a pléthore de scies occidentales, il y a pléthore de scies japonaises… 🙂

Chaque modèle a un usage de prédilection. En ce qui me concerne, je vais vous parler des trois modèles en ma possession, et de ce qui a guidé mon choix.

La scie Ryoba

C’est la scie présentée comme étant la plus « polyvalente » car elle permet de scier à travers fil (c’est à dire : tronçonner) ou dans le sens du fil (c’est à dire : déligner).

Pour cela la lame dispose de deux types de dentures :

  • l’une aux dents régulières, destinée à tronçonner,

  • l’autre avec des dents dont la taille va croissante le long de la lame, pour déligner.

Une scie ryoba, et ses deux types de dentures.

(crédit photo : kk.org )

A l’époque où je découvrais les scies japonaises, je me disais qu’il me fallait absolument une polyvalente Ryoba (eh oui… Le syndrome plusse tu en as plusse tu es meilleur frappe tout le monde. Bon, je ne vous raconte pas le nombre de bleus dans mon vestiaire sur le corps)…

Allan Little (dont je parle plus bas), indique que si on ne devait avoir qu’une scie japonaise, ce devrait être une ryoba. Bon, chacun s’équipe selon ses besoins, hein ! 🙂

La scie Dozuki

C’est une scie à dos, le dos étant là pour rigidifier la lame.

Une scie dozuki, parfaitement mise en valeur par le site marchand Rockler

(crédit photo : rockler.com )

Cette scie est dédiée aux découpes très précises et aux réalisations de queues d’arondes, droites, etc. Ce qui n’est pas étonnant : le dos de la scie empêcherait toute découpe profonde…

Bon, moi, les queues d’aronde et les queues droites, pour l’instant je les fais avec mon Woodrat et la défonceuse Dewalt D625 montée dessus, la grosse artillerie quoi… Pour ce qui est de les faire à la main, je passe encore mon tour car je ne me sens pas la dextérité suffisante 🙁

La scie Kugihiki

Une scie, à la lame très souple, destinée aux arasements (chevilles, tourillons, tenons…).

Comme elle est destinée aux arasements, ses dents ne sont avoyées que d’un côté de la lame.

Ainsi, il y a un côté de la lame qui attaque le bois, et l’autre côté, lisse comme une peau de bébé, ne l’attaque absolument pas.

Pour araser un tourillon, par exemple, on pose le côté non avoyé sur la pièce et on scie le bout de tourillon qui dépasse.

Une scie kugihiki en action

(crédit photo : kk.org )

Je le répète : le côté non avoyé n’endommage absolument pas la pièce sur laquelle il repose. On peut donc araser à fleur, sans risque d’abîmer la pièce.

Perso, c’est celle dont je me sers le plus. Et je dois dire que, comme je biberonnais à l’électro-portatif jusqu’à présent, j’ai été soufflé par le fait que, non, en effet, on n’attaque pas la pièce lorsqu’on arase un tenon ou ou tourillon. Et que, oui, en effet, l’état de surface laissé par la scie est propre et sans désaffleur.

Sur l’illustration, vous voyez la scie passablement courbée : c’est ainsi qu’on l’utilise (bien qu’avec la mienne, je ne marque pas autant la courbure), de cette façon vous êtes sûr de bien plaquer la scie contre la pièce, et donc d’araser au plus près. Si néanmoins la pièce arasée dépassait encore un peu, sans offrir de prise à la scie, vous pouvez terminer l’arasement au rabot de retouche, un rabot dont l’angle du fer est très faible.

L’avoyage est l’inclinaison des dents d’une lame de scie,
alternativement à droite et à gauche de la lame.

L’avoyage élargit le trait de scie, facilite l’enlèvement de matière.

Où trouver ces scies japonaises ?

Elles commencent à devenir de plus en plus populaires de ce côté-ci de l’hémisphère… Bien que je n’ai pas encore trouvé de boutique qui en vende du côté de chez moi 🙁 C’est quand même pratique un magasin bien fourni…

Alors il y a aussi Internet. En bas de cette page il y a des liens qui mènent vers des sites marchands.

Au moins deux d’entre eux sont situés en France et diffusent ces scies (Bordet, Gaignard-Millon, avec un faible pour le premier en ce qui me concerne). Un troisième se trouve outre-Rhin.

Affûter ses scies japonaises ?

Eh bien là… Je suis un peu perdu…

Je crois bien avoir lu quelque part que l’on pouvait affûter ses scies japonaises à la lime diamant mais bon, vu la finesse des dentures… Perso, je changerais la lame, histoire d’avoir toujours ma scie opérationnelle, et prendrais ensuite du temps pour me faire la main sur la lame usagée…

 

Et Allan Little, qu’est-ce qu’il vient faire là ?

En musardant sur Youtube, je suis tombé sur Allan Little et ses (356) vidéos. Deux d’entre elles parlent des scies japonaises et de la manière de s’en servir.

Des images valant mieux que de longs discours… (en anglais).

Dans cette première vidéo, Allan Little présente trois scies : une kataba, une dozuki et une ryoba. Et la façon de les utiliser.

Le geste et la position qui nous viendrait naturellement, à nous habitués aux scies occidentales, serait de couper, peut-être en tirant, mais de haut en bas (c’est à dire manche orienté vers le haut et lame orientée vers le bas).

Or, avec une scie japonaise c’est tout l’inverse : la lame est plutôt orientée vers le haut et le manche vers le bas. Puis, pour paraphraser un slogan de parfums adolescents : on laisse la gravité agir…


 

La scie Ryoba en action, le changement des lames

Dans cette vidéo Allan Little utilise sa scie ryoba pour tronçonner un bout de sipo.

Il commence par montrer comment on serait tenté d’utiliser la scie à l’occidentale, pour montrer ensuite la façon la plus pratique : à la japonaise, en tirant, manche orienté vers le bas.


 

Faire des tenons à la scie japonaise

En Amérique du nord, les habitudes et techniques de travail sont différentes des nôtres, les tenons se font à la scie sur table. Ce qui implique, outre le tracé du tenon, incontournable quel que soit leur mode de réalisation, des réglages différents de la scie et chariotage à chaque étape du tenon.

Dans cette vidéo, Allan Little réalise un tenon avec épaulement à la scie japonaise et montre qu’on peut aller aussi vite, si ce n’est plus, qu’avec une scie sur table.

Il utilise deux scies pour cela : une kataba avec laquelle il entame la découpe du tenon, puis une ryoba pour la finir.

Pourquoi pas la ryoba d’emblée ? Parce que sa ryoba est très agressive et il indique qu’il a du mal à initier précisément la découpe avec.


 

Et voilà !

N’oubliez pas la barbe, la chemise à carreaux, et vous serez parés ! 😉


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